L'HISTOIRE DE LA GALOCHE, SON ÉVOLUTION DEPUIS LA FIN DU 18è SIECLE

          Ce jeu est attesté en Bretagne depuis très longtemps car déjà en 1388 les archives de la cathédrale de Quimper font allusion au jeu de « galoche » sur la place de la cathédrale. Le jeu en question était le « jeu de bouchon », largement répandu alors en Bretagne et ailleurs. Ce jeu consistait à renverser à l’aide de pierres plates ou de galets un morceau de bois cylindrique placé sur un sol uni et sur lequel on plaçait divers enjeux.

          Un texte et un dessin, publiés en 1835, fournissent une description assez précise du jeu de galoche pratiqué dans les campagnes cornouaillaises au début du 19é siècle.

        « Le jeu de galoche est exclusivement réservé aux garçons. Ce jeu consiste à placer debout sur un sol uni un petit morceau de bois de forme cylindrique, d’environ deux pouces de hauteur, qu’on appelle galoche (stouf), et dont le sommet se couronne de divers enjeux. On règle le rang des joueurs et chacun, muni de deux palets, jette un de ses palets aussi près que possible de la galoche, et essaie, en lançant le second immédiatement après, de la culbuter de façon que l’un des deux palets se trouve plus rapproché de la monnaie renversée que la galoche elle-même. Celui qui réussit s’empare des enjeux, et les mises se renouvellent. Celui qui échoue en laisse un autre essayer s’il sera plus adroit ou plus heureux, et ainsi de suite. »

          Dessin réalisé par Olivier PERRIN, né à Rostrenen en 1761, décédé à Quimper en 1832, qui réalisa, à partir de 1796, de nombreux dessins sur la vie des paysans dans la région de Quimper. Texte de Alexandre Bouët pour la publication en 1835 de « La galerie bretonne ou la vie des Bretons de l’Armorique » (ouvrage réédité en 2001, éditions Jean-Pierre Gyss).

dessin Perrin
          Détail d’une gravure de Prosper Saint-Germain intitulée « Le Cloarec », illustrant l’ouvrage « La Bretagne pittoresque » publié en 1841 (4 joueurs de galoche, fonds Musée de Bretagne).dessin 1841

galocheurs 1900

La galoche bigoudène au début du 20é siècle.

Cette carte postale, dont le cliché a été pris dans les années 1905-1908 d’après des détails du costume, montre des joueurs bigoudens auprès de l’église de Lambourg que l’on reconnaît à gauche. On distingue assez mal au premier plan la galoche, tandis que deux hommes tiennent un palet à la main.

          Dans son roman « Skol-louarn Veig Trebern », l’écrivain de langue bretonne de Pont-l’Abbé Youenn Drézen (1899-1972) donne une bonne description du jeu de galoche tel qu’il se pratiquait dans les années 1900, période durant laquelle se situe son roman.

          « Le jeu de galoche, sur la Madeleine [Ar Valaden est une place de Pont-l’Abbé où Y. Drézen situe la maison de son héros Veig Trebern], était, avec les boules, dans la cour de beaucoup de buvettes le passe-temps favori des hommes en ce temps-là. La galoche, qui avait la forme et la taille d’une trois-quart de bougie, était en bois dur et assez large pour tenir sur sa tête une pièce de monnaie rousse [Mounig rouz, pièce en bronze de 10 centimes] et celles qu’on y poserait par la suite. On la posait debout, au centre d’un petit cercle tracé sur le sol. Les joueurs étaient en deux camps. Ils avaient trois palets en fer, plats et ronds, qu’ils devaient lancer chacun à son tour depuis cinq mètres environ le plus près possible de la galoche. On faisait trois ou quatre pas avec le dernier palet, en courant le jeter sur la galoche. Quand on l’abattait, la monnaie rousse qui avait roulé hors du cercle était à vous. Si vous aviez manqué votre coup, vous deviez mettre un autre sou sur la galoche. Souvent le tas de sou était plus haut que le socle de bois. Il n’y avait ni perte ni gain à ce jeu – un jeu agréable donc !- car, quand la partie était finie, tous allaient à la buvette troquer la monnaie rousse contre des boissons rafraîchissantes. »

La galoche durant l’entre-deux-guerres 
          Les règles ont évolué : le cercle ne joue plus aucun rôle dans l’attribution des pièces de monnaie tombées à terre, le stank a été inventé, la ligne de but s’est éloignée à une dizaine de pas de la galoche. Per-Jakez Hélias (1914-1995) décrit, dans « Le cheval d’orgueil » (publié en 1975), le jeu à Pouldreuzic vers 1925.

          « La galoche est le but d'un jeu de palet qui fait fureur dans le pays. Pas un aubergiste dans le bourg et surtout dans les carrefours de campagne qui ne tienne un ou plusieurs jeux à la disposition de ses clients. Mais pas mal de particuliers possèdent leur jeu personnel. On joue à la galoche de préférence sur la route, pas loin d'une auberge, là où on a repéré une section de chaussée à peu près plane. On joue avec trois palets de fer, de huit à dix centimètres de diamètre, dus à l’industrie de quelque maréchal-ferrant. Avec ces palets, il s’agit de renverser la fameuse galoche, dressée à dix ou douze pas du tireur (…). C’est elle qui reçoit les pièces de monnaie, enjeu du coup, et qui s’empilent parfois si haut que c’est un problème de la faire tenir. Chaque joueur dispose de deux palets. Il essaie de piquer le premier plus près de la galoche que le troisième, posé par le joueur précédent et qui « garde » la galoche. S’il réussit, avec le second palet, il chasse à toute force la galoche de façon à faire tomber les sous autour de son premier palet. Ces sous sont à lui si la galoche est allée au diable, mais le joueur précédent ramasse ceux qui sont plus près de son propre palet que du palet vainqueur… »

galoche à la caserne
Partie de galoche à la caserne, début 20è siècle

          Vers 1930 les pièces en bronze de 10 centimes furent retirées de la circulation. Cette mesure entraîna une crise profonde chez les joueurs qui perdirent ainsi leurs enjeux et une partie de l’intérêt du jeu. Bon nombre de joueurs renoncèrent, se refusant à jouer comme les gamins qui, eux, utilisaient un système de points et le jeu faillit ainsi disparaître. Mais les plus jeunes s’habituèrent à jouer en comptant par points. Ainsi apparaît le lipar, tandis que la dimension et le poids des palets vont augmenter sensiblement. Ceux-ci restent cependant modestes: les palets ci-contre pèsent 600 à 650 grammes, contre environ 1 kg aujourd'hui.

jeu de galoche 1930
galoche à Beuzec

      La création en 1984, à l’initiative notamment de Jean Le Borgne et de Daniel Le Cléac’h, d’un Comité départemental de Galoche du Finistère, a permis de doter ce sport d’une structure officielle ainsi que d’un règlement respectant les traditions. En même temps furent créé les deux premiers clubs de Plomelin et de Tréméoc, puis Pont-l’Abbé, Plogastel, Penmarc’h, Plonéour, Plobannalec, etc. La Galoche Bigoudène réunit aujourd’hui 14 clubs et plus de 500 licenciés.

 

Concours de galoche dans les années 1980
Beuzec-Cap Caval (photo Jean-Pierre Gestin)

patrimoine immatérielLa Galoche Bigoudène est reconnue Patrimoine culturel immatériel en France depuis 2012.

OUVRAGES DE RÉFÉRENCE:
- "La galoche bigoudène", Loeis Cléac'h - Albert Deshayes - Per Rhun, éditions Skol-Vreizh, Morlaix, 1983, 32 pages.
- "La galoche bigoudène, C'hoari g'haloj", Comité départemental de la galoche bigoudène, édition Torr Penn, Plonéour-Lanvern,  1999, 95 pages.

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